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Extrait

E

Escargots

  On les dirait toujours éclos sur la toile d’un peintre : celui qui fait paraître sur l’écorce un gros nœud spiralé; celui qui s’est extrait de son logement rond, en longues suspensions d’une feuille à l’autre; ceux qui, en vrais ermites, vivent murés au fond de leurs coquilles; ceux qui jouent dans la haie les petites horloges à étirer le temps; ceux dont on ne retrouve que vide l’enveloppe àla perfection minuscule; ceux qui dédoublent leur hélice dans le miroir de l’eau et celui qui, suspendu au linteau de la porte, interroge l’utilité des passages incessants. Leurs petites allégories ne sont jamais tout à fait silencieuses.

  Un escargot sans coquille apparente serait une limace. Et la grande variété de formes dans laquelle se décline la spirale initiale contribue au plaisir qu’on prend à s’attarder dans l’univers élégant des escargots. La coquille peut être plate, conique ou étirée. C’est peut-être un plaisir mathématique (translations et rotations), peut-être un plaisir musical (de l’art de la variation sur un thème). Son mode de déplacement tout en lenteurs et en viscosités est un autre bonheur.

  Chaque individu étant mâle et femelle, leurs accouplements sont réciproques et donnent chaque fois lieu à une chorégraphie dont les interminables enlacements entre les pierres, les ronces ou le bord des chemins ne seraient pas loin de nous rendre confus.

   Quant au plaisir que nous devons aux moines qui surent en leur temps faire une spire gourmande autour des prescriptions du carême, nous le passerons sous silence. 

   L’ensemble des mollusques, les escargots à coquilles spiralées, les limaces dont certaines possèdent une petite coquille dissimulée sous le bouclier de leur corps apparent, les espèces à double coquille comme les moules d’eau douce constitue la malacofaune. Celle d’Alsace comporte environ 200 espèces inventoriées. De quoi exercer l’œil ! Et la mémoire! Ils sont terrestres pour 60% d’entre eux mais peuplent aussi les zones immergées, les étangs et les cours d’eau. Les paysages de la plaine humide sont particulièrement riches en espèces. 79 d’entre elles ont été pourtant inscrites sur les Listes rouges de la nature menacée en Alsace. Fortement liés à leurs milieux et dépendants de leurs altérations, les mollusques sont de bons indicateurs de qualité. Après toutes leurs autres qualités, ils ont aussi celle-là!

Vive les escargots!

En alsacien l’escargot se nomme de façon bien joliment visqueuse d’Schnack / d’Schnacka, le mauvais temps étant du Schnackawatter, « du temps d’escargots » et les caprices, des Schnackatantz, « des danses d’escargots ». Les antennes sont nommées Fühlherner, « des cornes sensibles ». La coquille se dit s’Schnackahisla, « la petite maison de l’escargot».

 
 

 

F

Fermier aubergiste des hautes Vosges

  Il passait l’été sur les hautes-chaumes pour y fabriquer son fromage, élevait avec le petit lait sorti des égouttages l’un ou l’autre cochon, ser vait au randonneur à la halte des repas tirés de ses productions savoureuses: des fromages affinés ou tout blancs, des planchettes odorantes et presque balsamiques, des repas de pommes de terre tenues longuement au secret des cocottes.

  Ses vaches noires et blanches au visage finement moucheté, plutôt petites, le sourcil noir, étaient irrésistibles d’élégance malicieuse. Elles portaientaucoudes clarines plus oumoins volumineuses et, entre brume et brouillard, parfois on croyait entendre des sonnailles fantômes.

  Une chèvre ou l’autre complétait quelquefois le tableau du côté des pierriers.

  De temps en temps son chien, plus oumoins attaché, déposait surle seuil le renard unpeu trop audacieux.

  Sa terrasse était par lesjoursde beau temps comme un balcon donnant sur le pli des montagnes. Sous la bruine ou la pluie on attendaitla fin du sentier qui conduisait chez lui.

   Tout y était proprement façonné: les faisselles à fromage, les mangeoires à claire-voie, les odeurs mêlées d’étable et de petit lait, la confiance prudente à accorder au beau temps, les heures données au travail quotidien et le moment du regard qui embrasse les choses, la fierté secrète d’être là plutôt que partout ailleurs… Dans les chaumes succédant aux dernières hêtraies, on se sentait un moment installé chez quelqu’un qui savait s’y prendre pour toujours se tenir à la lisière juste entre le travail de l’homme et les beautés de la montagne donatrice.

   Nous cherchons des adresses correspondant à cette identité. Il nous semble qu’à l’écart du tourisme de masse il en reste quelques-unes dans le massif vosgien. Veuillez nous les faire connaître.

Voir aussi Route des crêtes et Vosges.

Fessenheim

  Le moins qu’on puisse dire c’est que les opposants à Fessenheim n’ont jamais eu peur de se répéter. On leur a toujours entendu dire les mêmes choses:

  Que contrairement à ce que l’on prétend, l’énergie issue de la combustion nucléaire n’est pas une énergie propre. Que si elle ne produit pas de fumées chargées de particules en suspens comme les énergies fossiles, la gestion de la matière première est malgré tout source de pollution à l’extraction, après combustion, au moment du stockage des déchets qui engage des millénaires. Que les accidents nucléaires ne se sont pas seulement produits dans des sites mal sécurisés. Que Fessenheim se trouve surune faille sismique. Que son niveau de construction se trouve en deçà de la ligne d’eau du Grand canal d’Alsace et que le risque d’inondation existe. Qu’elle est la cause de certains effluents radioactifs et chimiques et qu’elle a une incidence sur la température du milieu aquatique. Que la recherche d’énergies renouvelables se trouvait bloqué par le monopole accordé au nucléaire…

  Tout cela a été dit depuis toujours par les opposants ou en tout cas depuis longtemps. Les modifications apportées à cet argumentaire de base n’ont été que celles que le temps imposait: la centrale vieillissante multipliait les incidents inquiétants et coûteux; les sites nucléaires n’apparaissent pas dans la liste des Plans de Prévention des Risques Technologiques (PPRT) puisque, faut-il comprendre, les dispositions que prévoient ceux-ci resteraient inopérantes dans leur zonage en cas de problème majeur; le risque d’une utilisation terroriste était officiellement reconnu…

  On ne peut pas en dire autant de l’argumentaire de défense du site quia été fortement évolutif. On a entendu successivement en faveur dela centrale de Fessenheim que notre indépendance énergétique dépendait d’elle; qu’elle était la réponse non polluante à nos besoins économiques et sociaux; que nous n’avions pas le choix et que les solutions alternatives étaient loin d’être au point; qu’une prospérité locale et des emplois dépendaient de son maintien… Aux dernières nouvelles l’impossibilité à mettre en œuvre une fermeture pourtant programmée résiderait dans une difficulté budgétaire: le coût du démantèlement auquel s’ajouterait l’indemnisation de 4 milliards d’euros qu’EDF serait en droit de réclamer pour la fermeture avant l’heure de ses deux réacteurs s’avèreraient trop coûteux en des temps difficiles. 

  Au vu de cet argumentaire de moins en moins convaincant, il est bien évident quela fermeture s’avère inéluctable et qu’il ne s’agit plus que de temporiser, non plus cette fois pour des raisons de conviction mais pour un motif évident de rentabilisation économique. 

  Onen sera donc arrivé là: mettre en balance un ensemble de risques signalés et, jusqu’au bout, le souci de l’amortissement financier! L’histoire qui finit toujours par désavouer cette sorte de pragmatisme cynique s’en souviendra sans doute.

 Voir aussi Technologique (risque industriel et technologique).

« C’était une erreur… »

O

Omelette

  (Ne pas pouvoir faire d’omelette sans casser des oeufs.)
Une gravière doit s’installer à l’emplacement d’une source – On ne peut pas faire d’omelette sans casser des oeufs.
Une route doit passer sur des terres cultivables – On ne peut pas faire d’omelette sans casser des oeufs.
Une éolienne doit s’installer sur un passage migratoire – On ne peut pas faire d’omelette sans casser des oeufs.
  C’est vrai! Mais ceux qui disent cela sont les premiers peut-être qui aimeraient nous vendre des oeufs sans coquilles (études d’impact insuffisantes, surestimation des retombées économiques) ou des coquilles sans oeufs (qu’est ce
qu’on y a gagné en fin de compte ?).

Ophidiens

  Si nous excluons les pythons échappés et qui surgissent parfois des canalisations, le serpent d’Esculape figurant sur l’officine des pharmacies et la voiture des médecins, les vipères aspic et péliade rarissimes et très localisées, nous n’avons en terre d’Alsace que deux serpents pour de bon avérés: la Couleuvre à collier et la Coronelle lisse. Les traces de bassin sur le squelette de l’Orvet ainsi que sa paupière mobile et les petites écailles ventrales en font un lézard, bien qu’il soit, il est vrai, un petit serpent débonnaire à première vue.
  Peu de gens aiment vraiment les serpents. On est toujours surpris par le froissement de leurs fuites et leurs enlacements aux intentions mal définies. Mais la vérité est peut-être qu’on rencontre en eux une économie de formes tellement impérieuse qu’elle en devient inquiétante.
  Malgré sa taille respectable, la couleuvre à collier sait se faire oublier. Devant ses oeufs trouvés en gros chapelets blancs au milieu du compost on est tout étonné de voir qu’il jouait en secret pour elle le rôle d’incubateur. La mue quasiment transparente accrochée dans le roncier s’avère aussi un mystère surprenant.

  Sa rencontre est fortuite: un pli d’eau sinueux à la surface de l’étang où elle nage très bien, un gros cordon écailleux ingénument lové derrière un amas de pierre et – surprise cette fois bien plus grande – les longues pattes d’une grenouille rousse témoignant seules encore d’un lent travail de déglutition.
  Ses goûts sont éclectiques. Elle se plaît aussi bien à la proximité de l’eau que sur les versants exposés.
  La Coronelle est plus rare et inféodée à des milieux plus secs. C’est un serpent auquel sa tête petite, les écailles lisses, la bande noire et étroite traversant le visage donnent des allures de hiéroglyphe. Lovée entre les pierres d’un muret
elle garde longtemps des fixités de jade avant de retourner vers les fissures fraîches.

Orchidées

  Si leur nom français renvoie en apparence nos orchidées autochtones à une prestigieuse parenté exotique, leur nom allemand de Knabenkräuter « plantes garçonnets » évoque tout au contraire des êtres curieusement concrets, des plantes-gnomes en quelque sorte. Ce n’était pas pourtant ce que les mots cherchaient à signifier d’abord. Le mot Orchis veut dire « testicule » et les deux langues sont alors bien d’accord pour reconnaître dans les parties souterraines de la plante une empreinte anthropomorphique de la virilité. Les orchidées sont donc dans leur désignation de part et d’autre du Rhin des « herbes garçons ». Voilà la vérité rétablie !
  La fleur est constituée de trois sépales et de trois pétales. Les formes originales qu’adoptent ces pièces florales et la distribution des teintes dans le calice et la corolle contribuent grandement à l’attractivité des orchidées. Mais leur originalité la plus évidente réside dans le labelle, ce pétale médian plus grand que les deux autres et qui arbore d’étonnantes configurations.
  Le livre de Roger Engel et de Henri Mathé, Orchidées sauvages d’Alsace et des Vosges, dénombre une cinquantaine d’espèces se répartissant principalement en sept genres distincts: les Cephalantera aux hautes tiges feuillées généreuses en fleurs rouges ou blanches, les Dactylorhiza ainsi nommés parce que leurs tubercules.

 

 
Gérard Freitag, auteur de poèmes et de romans
 
 

Gérard Freitag, auteur de poèmes et de romans

 

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Gérard Freitag, auteur de poèmes et de romans
 
 

Gérard Freitag, auteur de poèmes et de romans

 

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