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Gérard Freitag, auteur de poèmes et de romans
 
 
Celui qui attendait le retour de l'herbe, roman.
DOM Editions, 2014, 204 pages.

Présentation:

Madame Frison avait su faire quelques économies. Et n’ayant pas cru bon de les confier à une banque, à une caisse d’épargne ou à un bureau de poste, elle les gardait chez elle. Dans son esprit, le fait que les déplacements lui étaient devenus difficiles, presque impossibles à la fin justifiait, je suppose, une telle décision. Mais ce n’était sûrement pas une disposition sage.

Car s’il ne s’agissait pas d’un trésor fabuleux, ce n’était pas non plus une somme anodine. Elle consistait en une liasse de billets, tous de même nature, tenue ensemble par un double élastique.

Selon toutes les apparences j’avais découvert ce secret tout à fait par hasard, en ouvrant un tiroir. Mais comme vous l’aurez peut-être deviné, je n’accorde pas au hasard un bien grand crédit. Je pense en l’occurrence que Madame Frison avait voulu elle-même me guider un peu, ne rien faire en tout cas pour me détourner de cette découverte. Car le tiroir n’était pas du tout un tiroir dérobé ou le tiroir d’un meuble à l’abri des regards et des passages quotidiens mais celui d’un buffet duquel elle me demandait quelquefois de lui ramener l’un ou l’autre ustensile.

Il se trouvait dans le couloir et contenait tout cet attirail ménager quelque peu encombrant, pas bien souvent utile et néanmoins parfois indispensable : les pièces de vaisselle les plus grandes, des chauffe-plats, des grilles, des moules à gaufres et à gâteaux, des bocaux et des boîtes de conserve et, dans les tiroirs, un peu laissés en vrac, des emporte-pièce en forme d’étoile ou de demi-lune, des casse-noix, des élastiques, des bouchons de carafe et tout ce petit bric-à-brac d’appoint dont on ne peut tout à fait se passer. Un seul tiroir était vraiment rangé. Et c’était au milieu de son contenu bien prudent, rassemblé semblait-il en prévision des nuits d’orage et de leurs coupures de courant (un petit stock d’ampoules domestiques, une réserve d’allumettes en grandes boîtes, quelques piles plates et un paquet de bougies encore sous leur papier) que l’argent se trouvait proprement disposé. Les objets dont il se trouvait de la sorte entouré permettaient d’en apprécier l’importance : la hauteur des billets dépassait celle des paquets de piles et de bougies et, à quelques coupures près, atteignait celle des boîtes d’allumettes.

Madame Frison consacrait assez souvent les après-midi de la fin de semaine, en hiver particulièrement, à la confection de l’une ou l’autre de ces pâtisseries dont toutes les recommandations n’auraient pas su la détourner. Lorsque je me trouvais alors dans les parages, elle me sollicitait en toute simplicité. « Auriez-vous la bonté d’aller me chercher s’il vous plaît, dans le meuble du couloir vous savez, un moule à cake ? Le plus grand que vous pourrez trouver. » me disait-elle par exemple. J’allais jusqu’au meuble en question, cherchais un peu et trouvais en effet le moule, la planche à découper ou le bocal de fruits qu’elle m’avait décrits.

Un jour elle m’avait dit aussi : « Puisque vous êtes là, auriez-vous la gentillesse d’aller jusqu’au buffet du couloir et de me ramener une petite râpe à écorces ronde ? C’est dans l’un des tiroirs. »

La chose s’est passée de la sorte. Je n’ai pas d’abord ouvert le bon tiroir.

 

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Gérard Freitag, auteur de poèmes et de romans
 
 

Gérard Freitag, auteur de poèmes et de romans

 

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Gérard Freitag, auteur de poèmes et de romans
 
 

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